Pierre-Sébastien Guersant, un artiste méconnu en son pays

Le Déolois Pierre-Sébastien Guersant est aujourd’hui un quasi inconnu dans l’Indre. Pourtant, ce sculpteur de la première moitié du XIXème siècle a connu en son temps une certaine célébrité. A partir de 1822, il fait partie des sculpteurs officiels de l’État. On retrouve certaines de ses œuvres un peu partout à Paris : au cimetière du Père Lachaise, à l’église de la Madeleine, à l’École normale supérieure, au palais du Luxembourg ou au musée du Louvre.

Un Déolois monté à Paris
Pierre-Sébastien Guersant est né à Déols le 20 janvier 1789, l’année de la Révolution. D’origine modeste, son père Antoine Guersant est au service du Comte d’Artois au Château Raoul à Châteauroux. Pierre-Sébastien part à Paris où il étudie à l’École des Beaux-Arts. Il est l’élève du sculpteur Pierre Cartellier et du peintre Jacques-Louis David, chef de file du néo- classicisme. Il débute sa carrière en exposant deux œuvres lors du Salon de peinture et de sculpture de 1814 qui se tient au Palais du Louvre. Les débuts sont financièrement très difficiles comme en témoigne une lettre datée de 1820 et publiée dans la revue de l’Académie du Centre en 1932 où il supplie le Comte de Pradel, alors ministre de la Maison du roi Louis XVIII, de lui commander une œuvre. En 1822, sa carrière décolle. Il reçoit de nombreuses commandes et accède à la notoriété. À partir de cette date, il devient un des sculpteurs officiels de l’État. L’ironie de l’histoire veut que ce fils de la Révolution fût essentiellement au service des rois, de Louis XVIII à Louis-Philippe, en passant par Charles X. Il finit cependant sa carrière sous la Deuxième République en exposant une dernière fois au Salon de 1850 avec Le général Bonaparte, une statue en plâtre. Il décède le 5 avril 1853 à Paris.

Oeuvres notables
Pierre-Sébastien Guersant a exposé dix fois au Salon de peinture et de sculpture de Paris entre 1814 et 1850 pour un total de 18 oeuvres. Parmi celles-ci figure une grande statue de pierre intitulée La vierge pour la tombe du comte Christophe Édouard de Malet et son épouse au cimetière du Père Lachaise. En 1822, il expose un buste en marbre, Jeanne Hachette, commandé par le ministre de l’Intérieur pour la ville de Beauvais. En 1849, il présente un bas-relief en bronze, La mise au tombeau, pour le maître-autel de la basilique Notre-Dame-des-Victoires. Citons également le buste en marbre de Quintilien, le grand pédagogue romain de l’Antiquité, pour l’École normale supérieure. Il a également réalisé huit trophées pour l’escalier du Palais du Luxembourg, une statue monumentale de Saint Maurice pour l’église Saint Sulpice et des bas-reliefs pour le trône du sacre de Charles X mais ceux-ci ne furent pas exposés au Salon.

Le Duc de Bordeaux
Preuve de la notoriété du sculpteur déolois, c’est le roi Charles X lui-même en 1827 qui lui commande une statue grandeur nature de son petit-fils, le jeune duc de Bordeaux. Âgé de sept ans, celui-ci est le dernier héritier de la branche aînée des Bourbons puisque son père, le duc de Berry, a été assassiné avant sa naissance. L’oeuvre est chargée de symboles. D’abord le mouchoir, placé en évidence sur sa poitrine rappelle le chagrin de l’orphelin. Ensuite le globe terrestre qui souligne l’importance du jeune héritier qui est appelé à régner sur les possessions françaises aux quatre coins du monde. Enfin, le serpent devant le miroir évoque la sagesse et la réflexion, vertus éminemment souhaitables chez un futur souverain. Cette magnifique statue en biscuit de porcelaine est visible au musée des Arts décoratifs et du Design de Bordeaux.

Une œuvre au Musée Bertrand
On ne trouve malheureusement aucune œuvre de l’artiste dans le Berry à l’exception d’un marbre blanc au Musée Bertrand de Châteauroux. Il s’agit d’un grand buste de 86 cm représentant Germain Pilon, le célèbre sculpteur de la Renaissance. Cette œuvre avait été commandée à Pierre-Sébastien Guersant par le ministre de la Maison du roi en 1822 pour la Grande Galerie du Palais du Louvre, moyennant le prix de 2.500 francs de l’époque soit un peu plus de 10.000 euros d’aujourd’hui. En 1886, ce buste a été « prêté » au Musée municipal de Châteauroux certainement en raison des origines indriennes de l’artiste. Depuis lors, ce marbre n’a pas quitté Châteauroux et en 2012, l’État a officiellement rétrocédé sa propriété à la ville. Il est actuellement non visible et stocké dans la réserve du Musée Bertrand.

Une rue pour Guersant
C’est avec tristesse que l’on constate qu’aucune rue du département ne porte le nom de Pierre- Sébastien Guersant. Il est fort regrettable qu’un artiste de cette renommée ne soit pas honoré dignement en son pays. Il n’y a pas tant de sculpteurs célèbres qui soient nés à Déols pour que l’on fasse l’impasse sur ce dernier. Déjà en 1932, le régionaliste Louis Lacrocq regrettait dans la Revue du Berry et du Centre qu’aucun hommage ne soit rendu à ce sculpteur berrichon. Il suggérait alors qu’une rue de Déols ou de Châteauroux portât son nom pour lui rendre justice. Visiblement, cette demande n’a toujours pas été suivie par les édiles locaux.

« Le duc de Bordeaux » © Musée des Arts décoratifs et du Design de Bordeaux

« Germain Pilon » © Musée Bertrand de la Ville de Châteauroux
« Une baigneuse surprise » © Christie’s 2014

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