Écueillé 1944 :
la croix de guerre
pour des pétainistes

25 août 1944, la petite commune d’Écueillé est le théâtre du plus gros combat de la Résistance dans l’Indre en termes d’armes et d’hommes engagés. Toute la nuit, la bataille fait rage et au petit matin la victoire française est acquise par la reddition des soldats allemands survivants. Fait peu connu du grand public : cette grande victoire sur l’Occupant est due à une unité combattante pétainiste ayant rallié la Résistance seulement trois jours auparavant. Ce haut fait d’armes vaudra la Croix de guerre à ce vaillant escadron. Loin des mythes et des dogmes partisans, la période 39-45 recèlent des vérités bien surprenantes à découvrir.

Un affrontement inopiné et brutal
Le 25 août 1944 vers 22 h, une troupe d’artillerie allemande s’installe sur la place d’Écueillé pour y passer la nuit. Elle dispose de 6 camions de transport de troupe, de 6 canons anti-chars de 88 mm et d’une voiture de reconnaissance. Elle compte 76 soldats allemands. Un escadron à cheval de la brigade Charles Martel tombe dessus à l’improviste. Un violent combat se déclenche aussitôt. Les canons allemands entrent en action et tirent en représailles sur les maisons autour de la place. Deux heures durant, les balles et les obus sifflent en tous sens. Les murs sont perforés, les façades explosent, 10 maisons et la mairie sont totalement détruites. Le centre-bourg est ravagé. Durant la nuit, les combats se font plus sporadiques. Vers 6 heures du matin, le lieutenant allemand capitule et les honneurs militaires lui sont rendus. Les règles militaires ont été respectées de part et d’autre. Les soldats se sont battus avec honneur. Le général Raymond Cholmel alias Charles Martel dans la Résistance et chef de la brigade du même nom dira après la guerre à propos de ses hommes : « la compétence des cadres et leur haute moralité leur assurent vite une réputation contrastant avec celle de certains maquis d’aventuriers se préoccupant davantage de pillage que de guérilla ».
Une victoire totale
Le général Cholmel résume ainsi la situation : « La colonne (allemande) est finalement entièrement détruite. Si nous avons 5 tués, les Allemands en comptent 30 et nous faisons 46 prisonniers. Quant au matériel capturé, il s’agit de 5 canons de 88, antiaériens, sans compter les tracteurs et les camions. Nous utiliserons ces pièces sur le front de Saint-Nazaire ». Par les effectifs engagés et par la capture de pièces d’artillerie essentielles, l’affrontement d’Écueillé demeure certainement le plus haut fait d’armes de la Résistance dans l’Indre. L’escadron est cité à l’ordre de la division le 15 août 1945 par le général Pierre Kœnig et reçoit la Croix de guerre 1939-1945 avec étoile d’argent.
L’officier commandant l’escadron, le capitaine André Colomb, est fait citoyen d’honneur d’Écueillé où une rue porte désormais son nom.
La brigade Charles Martel
La brigade Charles Martel est une unité de la Résistance opérant entre l’Indre et l’Indre-et-Loire. Elle est rattachée à l’Organisation de résistance de l’armée (ORA) et son chef est un gaulliste de la première heure, Raymond Cholmel. Initiale- ment, la brigade comprend 3 unités : le bataillon d’Épernon, le bataillon Lenoir et le bataillon Carol. Mais le 24 août 1944, le général Cholmel obtient le ralliement à l’ORA d’une partie du 1er régiment de France, l’unique unité militaire de l’État français. Le général Cholmel dira à propos de ce dernier qu’il « offre un remarquable instrument militaire, tout en restant profondément attaché à la personne du Maréchal Pétain ». En intégrant ainsi des militaires pétainistes bien entraînés et fortement armés, la brigade Charles Martel augmente considérablement sa force opérationnelle. Les effectifs passent alors à 2 350 hommes dont une centaine d’officiers de carrière. L’escadron monté du 3e bataillon, stationné au Blanc, devient le groupement d’escadrons Calvel et c’est un de ces escadrons qui est à l’oeuvre à d’Écueillé trois jours plus tard.
Le 1er régiment de France
Le 1er régiment de France est un embryon d’armée concédé par les Allemands au gouvernement de Vichy. Suite à la défaite de 1940, l’Occupant avait exigé en 1942 la dissolution de ce qu’il restait de l’armée française. Mais le 30 avril 1943, Pierre Laval obtient d’Hitler l’autorisation de recréer une force militaire de petite taille sous prétexte de lutter contre la Résistance. Au début ces militaires vont être engagés dans des opérations contre la Résistance comme à Saint- Sébastien dans la Creuse le 28 mai 1944 ou à Ussel en Corrèze le 10 juin 1944. Mais assez rapidement, le sentiment anti-allemand devient le plus fort et ces pétainistes sincères passent par unité entière dans les rangs de la Résistance. Dans l’Indre, tous les effectifs du 1er régiment de France stationnés au Blanc passeront à la Résistance.
Un narratif confisqué par des idéologues
Appréhender la période trouble de l’Occupation et de la Résistance n’est pas chose aisée tellement son narratif a été confisqué par des idéologues partisans. Dans notre département, l’Association Nationale des Anciens Combattants et Amis de la Résistance (ANACR), association proche du Parti Communiste, fait la pluie et le beau temps en la matière depuis fort longtemps. Elle assoit son autorité grâce à la toute puissante Nouvelle République qui publie le moindre de ses communiqués et encense la moindre de ses réunions. Pourtant son discours est extrêmement sectaire et éminemment politique. À l’ANACR, l’Histoire est binaire : d’un côté il y a les valeureux résistants communistes et de l’autre les affreux collaborateurs fascistes. Entre les deux, il n’y a rien ou presque. Cette vision étriquée d’une époque extraordinairement complexe n’est bien évidemment pas satisfaisante. Une histoire dépassionnée et objective de cette période reste à écrire pour notre département.

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